Evolution du stress au travail : les limites des dispositifs portables

Il existe beaucoup de dispositifs portables pour évaluer le stress des salariés au travail. Mais ils soulèvent des questions de recueil du consentement, de représentation du corps, d’interprétation des données, de management des équipes, etc. Témoignage de Stéphanie Gauttier, chercheuse à Grenoble Ecole de Management et spécialiste du sujet.

 

Pourquoi est-il intéressant d’évaluer le stress au travail ?

Parce qu’un stress excessif augmente le risque d’erreurs et génère des relations plus tendues avec l’entourage, en particulier les collègues et les clients. Dans un hôpital par exemple, l’impact négatif sur les patients et leur famille peut être très fort.

C’est d’ailleurs sur ce terrain de l’hôpital que j’ai choisi de mener une expérimentation, dans le service de gériatrie d’un établissement italien. Une dizaine d’infirmières ont accepté de porter pendant deux semaines un bracelet qui enregistrait des paramètres biologiques corrélés au stress. En parallèle, j’ai eu des entretiens avec leur hiérarchie et avec des interlocuteurs des RH, du juridique et des systèmes d’information.

Que vous ont appris les données recueillies ?

Leur exploitation n’est pas terminée. Mais il y a déjà beaucoup à dire sur la nature de ces données. Elles ne déterminent pas si une personne est stressée ou non : elles mesurent des indicateurs biologiques comme le rythme cardiaque, le niveau d’activité physique, la température de la peau ou sa conductivité. Pour tirer des enseignements, il faut les interpréter et les contextualiser. Pas de conclusions hâtives !

Vous avez senti chez vos interlocuteurs cette tentation de la simplification ?

Oui, forcément. Les infirmières estimaient ne pas être prises au sérieux quand elles disaient être stressées ; elles espéraient pouvoir le démontrer. Côté hiérarchie, mes interlocuteurs attendaient du bracelet une « mesure objective » du stress, qu’ils attribuaient plutôt à des difficultés de la vie privée ou à une mauvaise gestion de la charge de travail. Or la technologie ne peut pas tout et ne mesure pas tout.

Qu’est-ce que ce bracelet ne peut pas prendre en compte ?

Les événements invisibles du quotidien qui induisent du stress. Par exemple, un médecin modifie un protocole de soins sans l’expliquer aux infirmières, qui doivent s’adapter du jour au lendemain sans savoir pourquoi. Autre exemple, un visiteur se montre agressif avec elles parce qu’il se sent coupable de ne pas être assez présent auprès de son parent âgé.

Avez-vous eu du mal à convaincre les infirmières de porter le bracelet ?

Au contraire, elles voulaient prouver qu’elles étaient stressées et ont joué le jeu à fond. Quant au service juridique, il considérait que nous étions dans le cadre du RGPD et qu’il n’y avait pas de problème. Or, il s’agissait de recueillir des paramètres biologiques, ce qui est tout sauf anodin. Certes, l’employeur peut estimer qu’il le fait pour protéger ses salariés. Mais ces derniers sont en droit de s’interroger : ai-je envie que mon directeur sache que mon cœur s’affole par moments, que je transpire ou que j’ai trop de tension ? Mon corps m’appartient-il encore si je partage ces données ?

Vous avez d’ailleurs publié un article de recherche sur ce sujet pour une conférence…

En effet. Il était important d’expliquer que la technologie change la représentation du corps. D’un côté, les infirmières avaient toujours leur corps « privé » accessible par le ressenti individuel. De l’autre, elles développaient un corps « public », observable et mesurable par le bracelet. De plus, comme elles gardaient ce bracelet 24 heures sur 24, il y avait un continuum entre ces deux corps.

En fin de compte, n’est-il pas trop ambitieux ou compliqué de vouloir évaluer le stress avec ces dispositifs portables ?

Non, car ils objectivent beaucoup de choses. On sait détecter le stress chez autrui – le ton monte, la personne rougit – mais rarement sur soi-même. S’il s’avère qu’un service complet est sous stress, on ne peut pas l’attribuer à des difficultés de la vie privée. Mais la technologie n’est pas neutre, elle pose des problèmes managériaux et juridiques, et elle ne délivre qu’une partie de la vérité. Le reste se révèle grâce à des approches participatives, en accordant une large place au dialogue avec les équipes de terrain.

Article tiré de Grenoble Ecole de Management (https ://entreprises.grenoble-em.com/actualite-evaluation-du-stress-au-travail-les-limites-des-dispositifs-portables)

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